2021 Novembre - Article de presse sur "L'épopée d'Hermès" - Blog Hotello

 Article sur le blog Hottello, par Véronique Hotte

L’Epopée d’Hermès, librement inspiré du Feuilleton d’Hermès de Murielle Szac, (Bayard Jeunesse, 2006), adaptation et mise en scène Emmanuelle Laborit. Théâtre visuel en langue des signes française et en français. Dès 9 ans.

Crédit photo : IVT – Vincent Quenot

L’Epopée d’Hermès, librement inspiré de l’oeuvre Le Feuilleton d’Hermès de Murielle Szac, (Bayard Jeunesse, 2006), adaptation et mise en scène Emmanuelle Laborit. Théâtre visuel en langue des signes française et en français. Dès 9 ans.

L’Epopée d’Hermès est inspirée de l’oeuvre de Murielle Szac : le périple de ce jeune dieu de la mythologie grecque, petit bonhomme pas comme les autres, interprété par deux comédiennes sourdes – Julia Peilhate et Isabelle Voizeux -, apport d’une couleur féminine à ce monde masculin. 

 » Le soleil se levait à peine quand Hermès sortit du ventre de sa mère. Il s’étira, bâilla et sauta aussitôt sur ses pieds. Puis il courut à l’entrée de la grotte où il venait de naître pour admirer le monde. « Comme c’est beau ! » murmura-t-il.  » C’est par ces mots que débute Le feuilleton d’Hermès, jeune dieu de la mythologie grecque qui découvre le monde à la manière d’un enfant.

Dans le spectacle L’Epopée d’Hermès, Julie Peilhatemime cette mise au monde avec générosité, sourire aux lèvres et engagement complet d’interprète – corps et âme -, dans une partition sensuelle significative, chorégraphiée à la fois avec rigueur et inventivité, prête à toutes les métamorphoses, d’un port de masque à l’autre, d’une posture l’autre, d’une mimique l’autre.

En duo avec elle, Isabelle Voizeux joue des rôles divers, partenaire de scène intense, Aphrodite ou bien Héra et autres figures encore de la mythologie antique grâce à un port majestueux de reine.

Le masque de Chronos est particulièrement évocateur – grande gueule de loup dévoreur d’enfants.

Emmanuelle Laborit, auteure, metteuse en scène et comédienne, co-direcrice avec Jennifer Lesage-David de l’IVT International Visuel Theatre -, travaille le bilinguisme tel un matériau artistique de richesses et de contraintes. Elle fait fi de la voix off, une jolie aventure pour le public.

Pour la conceptrice, des questions demeurent récurrentes : 

« Comment raconter ces histoires à travers le corps ? Comment les raconter avec une langue visuelle, pure et poétique ? Comment les rendre universelles, accessibles à tous ? »

Hermès s’enquiert de trouver sa vraie place dans sa grande fratrie compliquée de l’Olympe. Par ses rencontres, ses interrogations, sa curiosité et son envie d’apprendre, Il est universel. Sont présents à ses côtés Zeus, Aphrodite, Héra, Héphaïstos, Prométhée, Epiméthée, Gaïa, Ouranos, Chronos qui introduit la violence dans le monde, commettant le meurtre, et … invention de l’amour.

Hermès veut connaître à tout prix les origines de son père Zeus, par ailleurs grand séducteur.

La pièce prend son sens à travers la langue des signes, le théâtre d’ombre, le masque et le geste. Ce qui n’est pas dit est vu, les mots se transforment en une écriture visuelle, les paroles en signes.

Pour la scénographie, s’impose cette idée du morcellement dans la création progressive du monde : en patchwork, trois écrans aux formes géométriques – un cercle entouré de deux triangles ou formes cassées sur lesquels sont projetés les images vidéo de formation de la terre et de l’univers. Visions poétiques de flots sous-marins grondants, d’une mer en colère et de nuages célestes. Les écrans, quand ils redeviennent blancs, laissent apparaître un délicat théâtre d’ombre dessiné.

Ainsi, à la question d’Hermès de savoir comment a eu lieu la création des hommes et des femmes, et des animaux, un jeu s’installe sur l’écran : une valise de mots mobiles – griffes, plumes, agilité, légèreté -, mots aimantés et comme dérobés par la comédienne inspirée qui crée à vue, d’un écran à l’autre, une bête à museau et à queue, une tourterelle à plumes ou un être humain. 

Une traduction libre, ouverte à l’imagination avec la respiration des corps pour le son, parfois saccadée lors d’un moment de tension ; privilège du contact des mains pour le corps qui explique ; froissement éloquent des costumes et bruitages divers, une large palette de capture des sens.

Masques éloquents et poétiques, danse des corps et métamorphoses des personnages, les interprètes de belle expressivité savent jouer des traits de leur visage comme de leurs mains agiles, dessinant dans un vif théâtre d’ombre les divers petits animaux qui habitent la terre.

Les accouchements sont l’occasion de rituels chorégraphiés et raffinés – le ventre féminin qui s’arrondit, la naissance avec la récupération du nouveau-né dans des bras affectueux et berçants jusqu’à ce que l’enfant grandisse ou bien, dans les pires des cas, soit enlevé, écarté et oublié.

Avec à la lumière, Samy Hidous; au son, Gilles Normand; à la vidéo, Virginie Premer; aux costumes, Louise Watts; aux masques, Alaric Chagnard; à l’ombromanie, Philippe Beau; au théâtre d’ombre, Aurélie Morin; et avec l’habilleuse Constance Grenèche, le dramaturge Alessandro Gazzara, et le regard extérieur de Jennifer Lesage-David.

Délicatesse des images – joie ou horreur -, la vie entière se tient à travers les deux excellentes comédiennes qui font la part belle au désir de vivre et de faire l’éloge du passage de l’humanité sur terre. La jalousie, l’envie, la cruauté, la violence et la soif de pouvoir encombrent et malmènent le monde;  restent l’intelligence et l’émotion qui oeuvrent à bien se tenir droit envers et contre tout.

Un spectacle poétique et onirique – conscience existentielle d’un humanisme lucide et clairvoyant.

Véronique Hotte

Du 10 au 21 novembre 2021, le 10 à 20h, le 11 à 16h et 19h, le 18 à 19h, les 12 et 19 à 20h, les 13 et 20 à 18h, les 14 et 21 novembre à 18h à l’IVT-International Visual Theatre, 7 Cité Chaptal 75009 – Paris. Tél : 01 53 16 18 18. www.ivt.fr Du 2 au 4 mars 2022 au Bateau-Feu – Scène nationale de Dunkerque.